Combien de fois les utilisateurs d’huiles hydrauliques ont constaté, alors qu’aucun changement n’était apparent dans les processus, que la durée de vie des filtres industriels sur le circuit de production pouvait être très variable. Par moment, elle baissait significativement puis ré-augmentait, et cela de façon totalement aléatoire. Ce constat étant d’autant plus prégnant que la filtration était fine, ie avec un seuil de filtration inférieur à 10µm. Dans ce cas, le premier réflexe est de mettre en cause la reproductibilité des performances des filtres. Mais vous etes-vous deja interesse a la filtrabilite de l’huile utilisee ?
Qu’est-ce que la filtrabilité ?
Plusieurs protocoles normalisés permettent de définir cette notion (AFNOR, BENSCH, DENISON) pour les fluides hydrauliques. Le principe consiste à faire passer un volume donné du fluide sur une surface de filtre donnée. Suivant les normes, on mesure, soit les temps, soit les volumes, pour définir :
- un Indice de Filtrabilité (IF), correspondant au ratio de temps entre les 50 premiers cm3 et les 100 derniers (sur un volume total de 300 cm3)
- un Facteur de Filtrabilité, correspondant au volume passé au travers du filtre avant colmatage, sur un volume total de 1000 cm3
Comment connaître la filtrabilité de votre huile ?
De plus en plus sensibilisés par les utilisateurs, certains pétroliers commencent à évoquer ce sujet. On voit désormais sur certaines fiches techniques, des désignations du type « Bonne filtrabilité ». Mais cela reste encore très peu informé, et d’autant que ce paramètre peut être très fluctuant d’un lot de production à l’autre. On sait notamment que, en fonction de la localisation de l’extraction du pétrole, l’huile qui va en résulter n’aura pas du tout les mêmes caractéristiques de filtrabilité.
On sait en effet aujourd’hui que cette caractéristique dépend principalement de la propreté des huiles de base et des additifs et surtout de la stabilité à l’hydrolyse des additifs fonctionnels, donc de chaque composé. Ce qui peut signifier que, pour exactement la même référence d’huile, donc du même pétrolier, la durée de vie des filtres, indépendamment de toute pollution exogène, pourra fluctuer grandement. Et ce phénomène devient de plus en plus remarquable au fur et à mesure que nous augmentons l’efficacité des filtres industriels, ie avec des seuils de filtration de plus en plus fins.
Par exemple, pour les applications nécessitant l’utilisation de filtres très fins (jusqu’à 1 µ m absolu) comme c’est le cas de l’hydraulique comportant des servovalves, il est indispensable que les fluides utilisés présentent d’excellentes caractéristiques de filtrabilité, même en présence d’eau (jusqu’à 2%). A défaut, la durée de vie des filtres en sera nettement réduite, et non uniquement corrélée à la rétention de polluants dans l’huile.
Exemple pratique
Nous avons testé la filtrabilité (méthodes AFNOR BENSCH) de deux huiles hydrauliques issues de deux pétroliers différents, ayant les mêmes propriétés, en faisant abstraction des effets de température.
Nous avions constaté, d’un point de vue totalement opérationnel, que les durées de vie des filtres, exactement identiques dans les deux cas et utilisés exactement dans les mêmes conditions, étaient très différentes.
1) Méthode AFNOR : filtrabilité (sans eau) suivant la norme ISO13357-2 (anciennement NF E48-690).
La méthodologie est simple et aisée à mettre en œuvre : sous l’effet d’une pression constante (1 bar), 300 cm3 de fluide passent au travers d’une membrane 0.8µm. On mesure le delta de temps pour la filtration de 50 cm3 entre le début et la fin des essais.
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Facteur de Filtrabilité |
Commentaires |
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Huile A (sortie cuve) |
2.29 |
Epais gel colmatant Particules variées |
Photo PO46-1 |
Huile A (sortie camion) |
5.26 |
Epais gel colmatant Particules variées |
Photo PO46-2 |
Huile B (fût) |
1.01 |
Pas de gel Particules uniformes et fines |
Photo PW46-1 |
Photo PO46-1 | Photo PO46-2 | Photo PW46-1 |
2) Méthode BENSCH
La méthodologie est simple et aisée à mettre en œuvre : sous l’effet d’une pression constante (1 bar), 1000 cm3 de fluide passent au travers d’une membrane 1.2 µm. On mesure le volume passé quand la membrane est colmatée (ie le liquide ne passe plus au travers).
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Indice de Filtrabilité |
Commentaires |
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Huile A (sortie cuve) |
18.23 |
Epais gel colmatant Nombreuses particules |
Photo PO46-3 |
Huile A (sortie camion) |
15.63 |
Très Epais gel colmatant Nombreuses particules |
Photo PO46-4 |
Huile B (fût) |
104 |
Pas de gel Nombreuses particules |
Photo PW46-2 |
Photo PO46-3 | Photo PO46-4 | Photo PW46-2 |
Premier constat : la seule observation visuelle des membranes ne permet pas d’évaluer, ni même d’estimer la filtrabilité.
Deuxième constat : les facteurs de Filtrabilité (AFNOR) ne sont pas bons, et même assez mauvais, sur l’huile A. Celui de l’huile B est presque parfait, puisque proche de 1.
L’emploi de l’huile A (par rapport à celui de l’huile B) ne peut qu’influencer défavorablement la durée de vie des éléments filtrants, et ce quelle que soit leur marque.
Troisième constat : la méthode BENSCH confirme les résultats obtenus par la méthode AFNOR. On peut donc indifféremment utilisée les méthodes pour déterminer la filtrabilité de son huile.
Conclusion
- Lorsque vous devez utiliser des éléments filtrants dont le seuil de filtration est inférieur à 10µm absolu, il est conseillé de demander à son fournisseur d’huile s’il a des informations quant à sa filtrabilité.
- Lorsque la durée de vie des filtres varie de façon significative, alors qu’aucune modification apparente dans le process est avérée, il ne faut pas systématiquement incriminer la qualité des éléments filtrants, mais intégrer tous les paramètres susceptibles d’expliquer cette variation.